Refonte politique
Par Droop le vendredi 11 mai 2007, 04:36 - Politique - Social - Lien permanent
Au lendemain de ces élections pièges à cons, prenons un peu de hauteur pour souffler et se détendre, et parlons aujourd’hui un petit peu de politologie pure, sans parti pris ni militantisme.
La cinquième république n’est pas la seule à s’apprêter à subir quelques modifications avec l’arrivée d’une nouvelle génération de politiques au sommet du pouvoir. Certes, ces modifications auraient sans doute été d’une toute autre ampleur avec Ségolène Royal ou François Bayrou à la présidence, mais l’arrivée de la sixième république, autrefois taboue, n’est plus qu’une question de temps. Non, ces modifications sont également en train de toucher en profondeur las partis politiques immuables, ou presque, depuis ma naissance.
Résumons-nous. Depuis Mitterrand, les pôles idéologiques étaient à peu près les mêmes, avec seulement quelques changements de noms (UDF en nouvelle UDF, admirez la subtilité, RPR en UMP, MRG en parti radical…) et quelques scissions (Chevènement créant le MRC ou Maigret le MNR…) ne reflétant pas grand-chose de nouveau si ce n’est des querelles de personnes plus que l’apparition de véritables nouveaux courants idéologiques. Certes, l’UMP a bien tenté d’unifier la droite en vampirisant le centre (exit au passage Démocratie Libérale, qui s’en souvient encore ?) mais rien n’y fait, il y avait toujours bien les mêmes courants avant et après : une extrême gauche montante, un PCF agonisant, un PS et ses affiliés radicaux et républicains, un pôle écologiste de gauche, un autre de droite, le centre droit UDF, les conservateurs et gaullistes de l’UMP, et l’extrême droite de le Pen à de Villiers.
Le germe du changement était là bien avant cette campagne présidentielle, mais celle-ci n’a fait qu’accélérer un mouvement désormais connu dont les trois principaux changements sont :
- Une droitisation de la droite et une quasi mort du gaullisme.
- Une apparition d’un centre se gauchisant.
- Une ouverture du PS tant à gauche que, surtout, au centre.
Phénomènes liés, bien sûr, plus à trois personnalités fortes (Nicolas, Ségolène et François) qu’à une réelle volonté des partis.
Ces évolutions, avouons-le, sont également liées à un mimétisme des modèles en place tant en Europe qu’outre-atlantique.
Mais finalement, si on regarde bien dans le détail, nos vieilles familles idéologiques franco-françaises sont belles et bien toujours là, en décalage souvent avec le reste du monde. Notre PS est sans doute encore beaucoup plus à gauche que tous les partis travaillistes ou démocrates du monde entier. Tandis qu’à droite, notre idéologie libérale n’est pas représentée, contrairement aux autres démocraties européennes, absorbée qu’elle est dans le parti conservateur de l’UMP. Et le centre émerge à peine alors même qu’il est le groupe le plus puissant au parlement européen. Quant aux écologistes, si puissant dans les pays nordiques et en Allemagne, il n’est qu’un embryon de la gauche en France, souvent infiltré par les alter mondialistes et l’extrême gauche, et n’est qu’une chose encore plus risible à droite.
Rien n’a véritablement changé, et pourtant, toutes les frontières ont explosé, si bien que des alliances ou des convergences idéologiques autrefois impensables sont aujourd’hui réalistes, voire même parfois vitales ! Examinons la gauche : l’ouverture aujourd’hui affichée par Ségolène Royal pourrait laisser penser que des alliances futures avec le Modem (Mouvement Démocratique, sans doute la future scission gauchisante de l’UDF emmenée par François Bayrou face à une scission pro-sarkozyste emmenée par Gilles de Robien). On voit mal en effet le futur Modem se développer sur la même niche idéologique que le PS, un des deux partis est de trop et l’alliance parait donc inéluctable, ne serait-ce que pour exister face à une droite ultra puissante et décomplexée. Reste qu’il faudra sans doute vaincre de nombreuses réticences, à commencer par celles des députés de l’ancienne UDF qui avaient passé des alliances avec l’UMP, mais aussi avec bon nombre de personnalités de la gauche du PS. La droite de la gauche, à l’exemple des appels lancés successivement par Rocard, Cohn Bendit, et plus récemment Taubira et Colomb (maire de Lyon) parait elle militer en ce sens. Une autre droite de la gauche, à l’exemple de Besson, Allègre ou Védrine, semble elle lancer des ponts même par-dessus le centre, preuve que si les clivages existent encore, les frontières, elles, s’estompent.
Nous n’avons pas pour autant à faire à une droitisation du PS et à un rejet du congrès d’Epinay comme on entend ici ou là,[1] puisque, chose inédite, la candidate PS n’a pas seulement réaffirmé son attachement à ses partenaires de gauche (Communistes et Verts) mais a également évoqué des convergences avec l’extrême gauche et les alters, reprenant même à son compte les slogans « nos vies valent mieux que leurs profits » ou « un autre monde est possible » et faisant ainsi du pied à Besancenot et Bové. Elle confiera même à ce dernier une mission sur la mondialisation pendant l’entre-deux tours. Certes, elle a quand même été pas mal aidée en cela par le phénomène « tout sauf Sarko », mais tout de même, voir une extrême gauche unanime appelant à voter PS au second tour, je ne sais même pas si ce n’était pas une première ! Besancenot a même affirmé qu’une ouverture et une alliance large était souhaitable à gauche. De là à imaginer une coalition de l’extrême gauche au centre-social en passant par la gauche et les verts, un peu sur le modèle italien, il n’y a qu’un pas. Un pas que certains franchissent en partie, à l’instar d’un Cohn Bendit appelant à la création d’un front PS-Modem-Verts. Imaginer cela serait possible à une condition : que PS et verts se délestent de leurs éléments les plus à gauche qui iraient rejoindre, pourquoi pas, les plus-à-gauche que sont Besancenot ou Bové. Cette idée n’est pas si absurde, puisque nombre de verts ont préféré rejoindre Bové plutôt que Voynet et que parallèlement on a appris récemment que Jean-Luc Benhamias (député européen vert) voulait rejoindre le futur Modem en compagnie de Corinne Lepage (cap21, écolo de centre-droit), créant ainsi un bourgeon de ce que pourrait également être une future alliance de tous les écologistes, encore une barrière à casser ! Une idée qui ne déplairait certainement pas à Nicolas… Hulot ! Une idée pas si absurde enfin, si on considère que certains au PS (Fabius, Mélanchon…) feraient mieux logiquement de rejoindre eux aussi les plus-à-gauche que de se fourvoyer (l’expression n’est absolument pas partisane, elle reflète ce que pourrait dire le personnage, je ne fais ici qu’une analyse non partisane) avec des sociaux démocrates comme DSK
Si vous êtes arrivés à lire jusqu’ici, félicitations, c’est que vous êtes un ou une taré amateur de politique comme moi.
Examinons aussi la droite. Dans sa stratégie de vampirisation de l’extrême droite, Sarkozy s’est donc découvert au centre, laissant le champ libre à Bayrou. Son idée d’une majorité à trois pôles (droite, centre et gauche) est trompeuse : tous ceux qui seront là seront bien partie prenante de l’Etat UMP qui s’apprête à accentuer encore son emprise dans tous les rouages du pouvoir, comme le permet cette 5ème république agonisante. Il n’empêche, des frontières sont là aussi tombées : le tabou et la ligne rouge de l’extrême droite sont aujourd’hui effacées et on reprend de manière décomplexée les thématiques chères à le Pen. Pourquoi s’en priver puisque ces cons de français plébiscitent cela ? Oups, j’ai dérapé, j’avais dit une analyse non partisane, c’est vrai !
Voilà, les familles politiques demeurent, le clivage droite-gauche et le fossé entre les 53 et 47 % de français n’a jamais été aussi grand, mais, paradoxalement, les frontières extérieures de chaque parti à gauche comme à droite s’estompent pour donner, sans aucun doute, de nouvelles alliances inédites dans un avenir proche. De nouvelles têtes, ça serait pas mal aussi, vous ne trouvez pas ?
Notes
[1] Congrès qui eut lieu en 1971 et qui détermina la stratégie d’ancrage du PS à gauche ainsi que son alliance avec le PCF, stratégie qui perdurera de Mitterrand à Jospin et sa gauche plurielle
Commentaires
3 commentaires :
># Une apparition d’un centre se gauchisant.
En quoi le centre s'est gauchis ? certe le durcissement de l'ump et la volonté d'indépendance de Bayrou font que les positions de l'UDF sont plus visible mais il en faut plus pour être "gauchis"
>voir une extrême gauche unanime appelant à voter PS au second tour, je ne sais même pas si ce n’était pas une première !
non, cela avait déjà été le cas au moins pour mitterand avant 88 (càd avant le "tournant de la rigueur")
>Quant aux écologistes, si puissant dans les pays nordiques et en Allemagne, il n’est qu’un embryon de la gauche en France, souvent infiltré par les alter mondialistes et l’extrême gauche
L'EG et les alters qui infiltrent les écologistes c'est risible.
Ce que tu prend pour du machiavélisme est juste la conséquence du fait que le mvt écologiste s'est construit dans la même vivier que l'EG et les altermondialistes.
Gyhelle, tout d'abord merci pour ces commentaires.
Pour ce qui est du point un, je ne vais pas détailler, mais par rapport à disons il y a une dizaine d'années, le centre incarné par Bayrou s'est bel et bien gauchis, bien sûr tout est relatif, c'est loin d'être encore un gauchiste pour autant !
Pour ce qui est du point 2, tu as tout à fait raison, Arlette a bien appelé a voté Miterrand, mais ce qui est plus frappant ici, c'est l'absence de reserves et le nombre élevé de candidats à la gauche de la gauche soytenant la candidate PS.
Pour ce qui est du point trois, certes, le mot "infiltré" n'est peut être pas celui que j'aurais du employer. Cependant je ne l'utilisais pas péjorativement. Et d'autre part ça n'a rien le risible, tous les partis sont infiltrés (Jospin au P.S. en est l'exemple le plus connu), il y a bien une marge rouge chez les verts, de même que des sociaux démocrates, ce qui en fait un parti aussi hétéroclite que le P.S actuel.
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