Colonisation : révisionnisme d'Etat
Par Droop le jeudi 14 avril 2005, 13:34 - Politique - Social - Lien permanent
Par la loi du 23 février 2005, l'Etat veut imposer désormais que les programmes scolaires "reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer". Il est étonnant de constater que la classe politique (notamment de gauche) est restée muette et n'a pas émis la moindre protestation face à ce qu'on peut aujourd'hui qualifier de révisionnisme d'Etat. [Mise à jour (29/11/2005) Mea culpa : le PS vient de réagir vigoureusement... neuf mois après ! Belle réactivité !] Aujourd'hui, cette loi dangereuse est portée à la connaissance du grand public grâce à l'action qu'on entrepris diverses associations de gauche ainsi que de nombreux historiens.
L'article 4 de cette loi, qui exprime la "reconnaissance" de la nation à l'"oeuvre" des rapatriés en outre-mer, affirme que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française la place éminente à laquelle ils ont droit". La ligue des Droits de l'Homme et le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples), aux côtés d'éminents historiens tels que Claude Liauzu, Gilbert Meynier et Gérard Noiriel, se sont insurgés, le 13 avril dernier, contre cet article qui "impose une histoire officielle" et "ne peut qu'alimenter des réactions communautaires". Dans une conférence de presse, ils ont annoncé le lancement d'une pétition «Colonisation, non à l'enseignement d'une histoire officielle», qui aurait déjà recueilli plus d'un millier de signatures d'historiens et de personnalités comme les époux Aubrac, Guy Bedos, Patrice Chéreau, le philosophe Etienne Balibar ou le syndicaliste Gérard Aschieri (FSU).
Pour l'historien Claude Liauzu, «Cette loi apparaît comme un règlement de comptes, c'est une instrumentalisation et une exploitation du passé. Derrière cet article, il y a un groupe d'activistes qui a réussi à imposer son point de vue sur la guerre d'Algérie. Cela nous annonce de nouvelles agitations qui vont jusqu'à la repentance. On trouve les relents des activistes de la guerre d'Algérie et un parfum de l'OAS[1].»
Le terme "révisionnisme d'Etat" n'est pas trop fort ici pour décrire cette tentative d'imposition de réécriture de l'Histoire. C'est aussi à ma connaissance la première fois qu'une loi impose un contenu révisionniste aux manuels scolaires d'Histoire. Des personnes influentes ont visiblement réussi à imposer leur point de vue, dans l'indifférence politique la plus totale, la gauche étant visiblement plus occupée à se tirer dans les pattes au sujet du traité constitutionnel européen qu'à défendre les principes qui lui sont chers !
Cette mauvaise nouvelle arrive d'ailleurs en même temps que la montée de revendications pour la reconnaissance de l'esclavage par les institutions françaises. A Nantes, un mémorial va être créé pour enfin réconciler la ville avec son passé esclavagiste (rien par contre à La Rochelle ou Bordeaux, qui étaient les deux autres ports français d'où partaient les bateaux du tragique commerce triangulaire). Ces villes doivent en effet leur prospérité en grande partie à ce commerce, et la reconnaissance de l'Histoire, plus de 150 ans après les faits, pose vissiblement encore quelques problèmes aux autorités ! Ainsi, le comité pour la mémoire de l'esclavage a remis récemment au Premier Ministre Raffarin un rapport préconisant, entre autres, une "journée souvenir" des déportations esclavagistes chaque 10 mai. Raffarin est resté silencieux sur cette proposition...
On voit donc que sur son passé colonial (esclavagisme, guerre d'Algérie, guerre d'Indochine...), les autorités françaises ont bien du mal à assumer le passé peu glorieux de notre pays, allant même jusqu'à minimiser parfois les faits historiques.
Notes
[1] L'Organisation de l'armée secrète (OAS) était une organisation terroriste clandestine d'extrème-droite, créée le 20 janvier 1961 après une rencontre à Madrid de Jean-Jacques Susini et de Pierre Lagaillarde. Elle regroupait des partisans du maintien de la présence française en Algérie et des vétérans de la guerre d'Indochine. Le sigle OAS apparut sur les murs d'Alger le 16 mars 1961. (définition de Wikipédia)
Commentaires
Ils ont montré l'assemblée quand ils vont voté cette loi,ils étaient même pas 20.
Désolé de vous le rappeler,mais oui vous payez avec vos impôts des absentéistes majeurs 40 briques non imposables par mois...
Il est temps de faire parler la Kalache.
Oui bon...tout n'est pas tout blanc ou tout noir, si je puis dire...il y a eu certainement quelques petits malentendus par le passé...mais bon, on leur a apporté le football tout de même...
Fil des commentaires de ce billet