Ascenseur pour les fachos
Par Droop le jeudi 7 septembre 2006, 17:23 - Présidentielles 2007 - Lien permanent
En ces temps pré-électoraux, les immigrés clandestins seraient-ils pris en otage par les deux côtés opposés de l'échiquier politique ? Cachan, ultime redondance d'un sujet hautement brûlant ?
Hélas, certainement pas ultime, mais, la mémoire étant courte, rappelons que le sujet n'a toujours pas été réglé depuis quelques décennies,[1] de Chevènement à Sarkozy en passant par Pasqua, nombreux sont les charters de la honte qui ont assombris les cieux de l'hexagone.
Pourquoi est-il si difficile d'admettre pour la France que la seule solution viable et juste est la régularisation massive des sans papiers,[2] comme l'ont fait ou vont le faire l'Espagne,[3] l'Italie,[4] l'Allemagne,[5] l'Angleterre[6] et la Suède[7] ? Pourquoi la cause du soutien aux sans papiers a-t-elle été abandonnée aux associations (de droit au logement à l'abbé Pierre en passant par le surprenant et efficace nouveau réseau éducation sans frontière), aux personnalités du show-biz et à l'extrême gauche ? Devoir d'inventaire : P.S, Verts, P.C : votre soutien ne s'exprime-t-il que quand vous êtes dans l'opposition, oubliant vos promesses une fois au pouvoir ?[8] Ne vous étonnez pas alors qu'un 21 avril surgisse !
Heureusement qu'on peut compter sur les associations qui se battent au quotidien, depuis des années. Les problèmes, non résolus par les politiques, sont nombreux : aide à la régularisation, logement pour tous, recherche d'un emploi déclaré...
Les associations, mais pas seulement, puisque nombreuses sont les personnalités de tous milieux qui s'engagent aujourd'hui dans la cause pour faire un "pressing" médiatique. Citons-les : Thuram, Vieira, Diagana, Josiane Balasko, Charles Berling, Laurent Baffie, Joey Starr, Omar et Fred, Mathieu Kassovitz, Benabar...[9]
(AFP/F. Dufour)
Josiane Balasko, étonnante de fraîcheur et de combativité lors de son passage au journal de France 2, mettait les pieds dans le plat en déclarant que la grande majorité des squatters de Cachan travaillaient, et que c'était bien sûr "au noir", rappelant que les "boulots au noir" constituent une part importante de notre richesse nationale.
Thuram, quant à lui, invitait 70 personnes de Cachan au match de football France-Italie d'hier soir,[10] soutenu par ses collègues et par son entraîneur, Raymond Domenech, qui déclarait : "Il ont le droit d'avoir des idées. Ne leur reprochez pas cela alors que jusqu'à présent, (on disait que) ce ne sont que des footballeurs qui ne savent pas penser, qui sont bêtes comme leurs pieds. Ils ont des idées et ils n'ont demandé à personne de faire de la publicité sur ce qu'ils ont fait". Thuram déclarait quant à lui qu'il avait l'habitude de faire cela sans que cela se sache. Seulement voilà, dans le désir de publicité du ministère de l'intérieur,[11] l'opération généreuse du défenseur de l'équipe de France ne pouvait passer inaperçue. Le député UMP Yves Jégo a ainsi attaqué : "On peut être un grand sportif et se révéler un piètre individu sur le terrain de la politique". "Les footballeurs sont faits pour jouer au football" a surenchérit Philippe de Villiers. Quant à Jean-François Lamour, il a osé une comparaison douteuse en mettant en garde la fédération de football : "Je lui dis de se souvenir d'un certain France-Algérie d'octobre 2001 (au cours duquel 'La Marseillaise' avait été sifflée) qui s'était terminé par un fiasco. Je pense que l'équipe de France mérite mieux."
Donc un sportif n'a pas le droit d'avoir d'idées politiques... Par contre, l'inverse ne choque pas : que Chirac enfile un maillot de l'équipe de France ou que Sarko assiste à un match de football alors qu'ils ne s'intéressent pas à ce sport ne gène personne... Et que Johnny soutienne Sarko, là, on ne lui reproche pas d'avoir des convictions, bizarre, non ?
Mais la propagande ministérielle ne s'arrête pas là, puisque le Figaro a encore frappé avec un sondage dont Jean-François Kahn s'est indigné à juste titre. En effet, le journal lié à l'UMP titrait il y a peu : "Cachan : la méthode Sarkozy approuvée". Tout l'article aux conclusions douteuses reposait sur un sondage aux questions formulées d'une manière partisane, jugez plutôt :
"Le 17 août dernier à Cachan dans la région parisienne, la police a expulsé, en raison de condition d'insécurité et d'insalubrité, plusieurs centaines de personnes qui occupaient illégalement depuis trois ans un bâtiment universitaire. Vous personnellement, approuvez vous cette action ?"
Vous ne voyez pas en quoi cette question est formulée partialement ? Attendez, je vais vous aider en la formulant façon kolkhoze.com :
"Le 17 août dernier à Cachan dans la région parisienne, les services du ministère de l'intérieur ont expulsé, en raison d'un besoin médiatique de Nicolas Sarkozy, plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, qui depuis trois ans réclamaient un logement et des papiers, et occupaient un bâtiment insalubre abandonné par l'état. Vous personnellement, approuvez vous cette action ?"
Croyez vous que les résultats à ces deux questions auraient été les mêmes ?
A force de vouloir flirter avec la flamme de l'extrême droite, Monsieur le ministre, on finit par se brûler brunir la chemise.
Notes
[1] Il y a 10 ans, le 23 août 1996, les forces de l'ordre ouvraient à coups de hache l'église Saint-Bernard où s'étaient réfugiés 300 sans-papiers, sous les ordres de Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur de l'époque, et aujourd'hui président le l'Assemblée Nationale et friand d'images de propagande à base de tas de papiers...
[2] On estime en France le nombre de sans papiers entre 200 000 et 400 000
[3] 700 000 régularisations en Espagne en 2005
[4] 700 000 régularisations en Italie en 2003
[5] En Allemagne, on réfléchit à la régularisation de 150 000 à 200 000 sans papiers
[6] Un projet gouvernemental prévoit la régularisation de 500 000 sans papiers en Angleterre
[7] Régularisation de 10 000 à 20 000 sans papiers en Suède, ce qui représente la quasi totalité des clandestins du territoire
[8] Rappelons que Lionel Jospin avait promis l’abrogation des lois Pasqua/Debré et la régularisation des sans papiers dès 1997
[9] Nous ne savons pas, à cette heure, si Johnny et Doc Gyneco soutiendront la cause...
[10] Les anti-foot oseront-ils dire qu'il s'agit d'une double peine ?
[11] Rappelons pour ceux qui ne le sauraient pas que l'expluslon de Cachan serait une opération de communication du ministère, en vue sans doute de draguer l'électorat de Le Pen...
Commentaires
Les élections sont encore loin, mais j'ai déjà peur du deuxième tour
Salut,
C'est un article très intéressant mais qui ne va pas jusqu'au bout de la démarche. Je propose que les candidats de la vraie gauche mettent dans leur programme :
- l'arrêt des visas pour tous ceux qui veulent venir en France, touriste ou travailleurs. Toute personne souhaitant venir sur le territoire français devra pouvoir le faire sans contrainte. - délivrance d'un permis de travail automatique à tout étranger pénétrant en France. - droit de vote automatique à tous les etrangers pour tous les types de scrutins. - attribution d'un logement pour tous les étrangers dés leur arrivée en France. - les étrangers devront recevoir des allocations famililales même si une partie de leur famille reste dans leur pays d'origine. - leur famille, où qu'ellle réside, recevra comme eux une protection médicale étendue (remboursement à 100 %). - les frais d'inscription aux grandes écoles et aux universités seront gratuits pour les étrangers. Les étudiants étrangers recevront de plus une somme de 1000 euros par mois pour pouvoir étudier sans se soucier du lendemain. - tout étranger souhaitant s'installer sur le territoire national pour un minimul de 12 mois recevra une somme de 15000 euros pour ses frais d'installation. - tout étranger qui aura une famille à charge dans son pays sera exempté d'impôts. - des concours réservés aux étrangers seront organisés pour leur permettrer d'intégrer la fonction publique sans que soit d'ailleurs exigé la nationalité française. - tout étranger aura le droit de postuler à n'importe quel mandat électif.
Ce ne sont que des propositions mais elles sont à mon avis très facilement réalisables. Je ne doute pas que tous ceux qui partagent comme moi les valeurs humanistes de la gauche seront d'accord avec mes idées.
C'est très drôle, Tiersmonde, de faire ce genre d'humour sur un tel sujet...
Régulariser tous les sans-papiers, et après, tu en fais quoi ? qu'est ce que tu leur offre ? Parce qu'une fois les papiers en poche, ce n'est pas pour autant fini la galère.
C'est beau d'être généreux, de se donner bonne conscience, mais derrière, il faut assurer. Et des propositions concrètes et réalistes (c'est à dire réalisables) on ne risque pas de les entendre lors des conférences de presse de Josiane Balasko !!
Il faut aller jusqu'au bout de ses idées et de ses engagements. Quelles sont donc tes propositions pour offrir quelque chose de décent et de durable à tous ces pauves malheureux qui débarquent chez nous, en partie parce qu'on leur fait miroiter la possibilité d'une vie meilleure en Europe, qui tourne souvent au cauchemar et à la galère. (Si réponse, merci de garder en magasin les incantations et les accusations en tout genre qui ne sont une réponse aux questions posées).
Je vais donc répondre au petit donneur de leçon arrogant libéral : je n'ai prétendu à aucun moment que la régularisation de tous les sans papiers était une condition suffisante, mais je pense que c'est une condition nécessaire. Comme je l'ai évoqué dans ce billet, les problèmes sont multiples et les principaux sont le logement et l'emploi.
Sans papiers, il est impossible de trouver un logement ou un emploi (du moins de manière légale), donc la régularisation est un préalable. Seulement un préalable.
Après, pour le logement, il existe des solutions d'urgence meilleures que celles que proposent habituellement les préfets, mais il faudrait un peu de courage aux politiques pour oser réquisitionner des logements vacants. Ca c'est l'urgence, pour ce qui est des problèmes de logement qui peuvent être résolus à plus long terme, et qui concerne de plus en plus de français, tu diras peut-être que je suis lache mais je ne m'étendrai pas dessus, ca serait trop long à développer, je ferai peut être un billet sur le sujet plus tard, si j'ai le temps ! Mais sinon, toi, ça ne doit pas t'inquiéter, puisque tu penses sans doute que Borloo est le messie
Oserais-je t'inviter à consulter les idées émises par le P.S. et les Verts concernant le logement et l'emploi ? Certes elles ne sont pas encore suffisantes, mais elles me semblent tout de même plus pertinantes que celles émises par ton ami Jean-Louis !
Je ne sais vraiment pas pourquoi il n'y a qu'en France que la droite a peur de régulariser massivement (300 000) alors que même Berlusconi a régularisé 700 000 ! (Que je sache, l'Espagne et l'Italie sont loin d'être dans un gouffre économique dont la droite française actuelle brandit la menace !)
Au fait Autheuil, à moi de te poser une question : si tu penses qu'il n'est pas souhaitable de régulariser en masse, que proposes-tu comme autre solution pour ces 300 000 sans papiers, sachant qu'il est impossible de tous les racompagner à la frontière ? (Merci d'avance de ne pas utiliser l'expression de droite "cas par cas" dans ta réponse !)
"Régulariser tous les sans-papiers, et après, tu en fais quoi ? qu'est ce que tu leur offre ?" dit Authueil. Les sans-papiers ne sont pas forcément sans-emploi. Bien sûr, ils sont obligé de bosser au noir puisqu'ils n'ont pas de papier. Donc, en légalisant leur présence sur le sol français on leur permet - de travailler légalement; - d'être protégé ouvertement; - on rend inefficace des systèmes mafieux qui utilisent le travail au noir, permettent de faire pression sur ses travailleurs; - et accessoirement on remet un peu de blé dans les caisses des sécus.
Exact, Philippe, et accessoirement aussi on leur fait payer des impôts et donc, comme le soulignent de nombreux économistes, l'imigration est source d'enrichissement pour la France.
En fait, ils paient déjà des impôts.
Droop, je t'aime. La dernière fois, je traînais sur ma droite (lointaine, même), et je me sentais seul face à tant d'égoïsme (d'ailleurs, je n'ai pas répondu, mais par manque de temps). Comment la droite fait-elle pour se rendre compte qu'ils tirent de plus en plus à l'extrême ? Certains osent dirent que choisir son parti de nos jours, c'est choisir uniquement une ligne économique ; et broyer des individus, c'est quoi, un plan social ? Ou alors ils montrent de plus en plus leur vrai visage, va savoir...
Tous ces gens qui fustigent les immigrés quand on sait qu'un Français sur trois a dans les deux générations qui le précèdent un parent étranger, cela me fait penser à mon Sud-Est d'origine, où le front national a son fief, parce que les enfants d'immigrés italiens ne supportent pas les enfants d'immigrés arabes, qui ne supportent pas les arméniens, etc. Que de la haine débile, il n'y a strictement aucune réflexion économique derrière tout ça. Un alibi misérable.
Je suis petit-fils d'immigrés italiens, sardes, même, on n'y parlait même pas la même langue à l'époque. Mon grand-père est maçon, ma grand-mère gardait des enfants, et ils étaient quasi-illétrés, issus de familles paysannes. C'est ma mère qui a appris à mon grand-père à lire le Français. Lorsque mon grand-père a eu la médaille du travail, il n'est resté qu'un jour à Paris (voyage très long à l'époque), pour reprendre le boulot le lendemain. Même le dimanche. À présent, il possède plusieurs maisons (qu'il a toutes retapées, jusqu'à 70 ans), son fils (mon oncle) est chef d'entreprise et paie l'impôt sur la fortune depuis bien longtemps (et doit certainement voter à droite maintenant, tout est dit), avec son CAP de fraiseur dont tout le monde disait qu'il n'arriverait jamais à rien, et le reste de ma famille s'en est plutôt très bien sorti (il y a de bonnes fortunes qui se cachent, l'habitude de la pauvreté les as habitué à vivre très spartiatement : mes grands-parents vivent dans 40m², cultivent leur jardin, et roulent de temps en temps en R5, 26 ans d'âge).
C'est cela la vérité : un immigré ne vient pas pour se faire dorer la pilule, il vient pour s'en sortir, parce que sa vie ailleurs était désastreuse. Il est parfois près à risquer sa vie pour ça. Il n'a pas le droit de travailler, mais il bosse quand même, dans des conditions qui souvent ferait bien peur. Ils sont pour la plupart intégrés et leurs enfants scolarisés. Mais non reconnus par une bande de pecnos élus, censé représenter la Nation Française, mais reflétant au final la stupidité la plus basique d'une partie du peuple français.
À chaque fois que l'on attaque un Français dont il ne manque qu'un bout de paperasse pour être officiellement reconnu, c'est à moi que l'on s'en prend. Et ça devrait être aussi à tous les enfants, petits enfants, et arrière-petits-enfants d'immigrés, ça en fait du monde, et ça devrait même comprendre certains hongrois, fussent-ils des aristos fuyant le communisme. Le problème de la France, c'est la mémoire courte, et l'absence de réflexion historique. À force de faire croire que nos ancêtres sont les Gaulois, on est tombé dans la caricature de la pire bassesse psychologique. La peur de l'autre.
Salut !
Restons basique.
La France est un Etat de Droit donc de lois.
La France est pays démocratique (on elis des Députes qui vote les lois qui nous régissent)
En France, notre Parlement adore faire des lois.
Par contre en France, nos poliques de tous bord n'ont pas assez de couilles pour les faire appliquer.
Car en France faire appliquer une lois est considéré comme acte fasciste (les sans-papiers par exemple, et c'est qu'UN exemple parmis tant d'autre).
Donc nos Parlemantaires en vote en d'autre, encore et encore, c'est la democratie (ou l'art d'occuper les rares deputés qui assiste aux séances).
Pour résumer, faire des lois c'est la démocratie, les appliquer c'est le fascisme.
Conclusion : Refuser d'appliquer les lois du peuple, là est le fascisme...
PS : l'avantage c'est que c'est valable pour tous.
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