Hélas, certainement pas ultime, mais, la mémoire étant courte, rappelons que le sujet n'a toujours pas été réglé depuis quelques décennies,[1] de Chevènement à Sarkozy en passant par Pasqua, nombreux sont les charters de la honte qui ont assombris les cieux de l'hexagone.

Pourquoi est-il si difficile d'admettre pour la France que la seule solution viable et juste est la régularisation massive des sans papiers,[2] comme l'ont fait ou vont le faire l'Espagne,[3] l'Italie,[4] l'Allemagne,[5] l'Angleterre[6] et la Suède[7] ? Pourquoi la cause du soutien aux sans papiers a-t-elle été abandonnée aux associations (de droit au logement à l'abbé Pierre en passant par le surprenant et efficace nouveau réseau éducation sans frontière), aux personnalités du show-biz et à l'extrême gauche ? Devoir d'inventaire : P.S, Verts, P.C : votre soutien ne s'exprime-t-il que quand vous êtes dans l'opposition, oubliant vos promesses une fois au pouvoir ?[8] Ne vous étonnez pas alors qu'un 21 avril surgisse !

Heureusement qu'on peut compter sur les associations qui se battent au quotidien, depuis des années. Les problèmes, non résolus par les politiques, sont nombreux : aide à la régularisation, logement pour tous, recherche d'un emploi déclaré...

Les associations, mais pas seulement, puisque nombreuses sont les personnalités de tous milieux qui s'engagent aujourd'hui dans la cause pour faire un "pressing" médiatique. Citons-les : Thuram, Vieira, Diagana, Josiane Balasko, Charles Berling, Laurent Baffie, Joey Starr, Omar et Fred, Mathieu Kassovitz, Benabar...[9]

(AFP/F. Dufour)

Josiane Balasko, étonnante de fraîcheur et de combativité lors de son passage au journal de France 2, mettait les pieds dans le plat en déclarant que la grande majorité des squatters de Cachan travaillaient, et que c'était bien sûr "au noir", rappelant que les "boulots au noir" constituent une part importante de notre richesse nationale.

Thuram, quant à lui, invitait 70 personnes de Cachan au match de football France-Italie d'hier soir,[10] soutenu par ses collègues et par son entraîneur, Raymond Domenech, qui déclarait : "Il ont le droit d'avoir des idées. Ne leur reprochez pas cela alors que jusqu'à présent, (on disait que) ce ne sont que des footballeurs qui ne savent pas penser, qui sont bêtes comme leurs pieds. Ils ont des idées et ils n'ont demandé à personne de faire de la publicité sur ce qu'ils ont fait". Thuram déclarait quant à lui qu'il avait l'habitude de faire cela sans que cela se sache. Seulement voilà, dans le désir de publicité du ministère de l'intérieur,[11] l'opération généreuse du défenseur de l'équipe de France ne pouvait passer inaperçue. Le député UMP Yves Jégo a ainsi attaqué : "On peut être un grand sportif et se révéler un piètre individu sur le terrain de la politique". "Les footballeurs sont faits pour jouer au football" a surenchérit Philippe de Villiers. Quant à Jean-François Lamour, il a osé une comparaison douteuse en mettant en garde la fédération de football : "Je lui dis de se souvenir d'un certain France-Algérie d'octobre 2001 (au cours duquel 'La Marseillaise' avait été sifflée) qui s'était terminé par un fiasco. Je pense que l'équipe de France mérite mieux."

Donc un sportif n'a pas le droit d'avoir d'idées politiques... Par contre, l'inverse ne choque pas : que Chirac enfile un maillot de l'équipe de France ou que Sarko assiste à un match de football alors qu'ils ne s'intéressent pas à ce sport ne gène personne... Et que Johnny soutienne Sarko, là, on ne lui reproche pas d'avoir des convictions, bizarre, non ?

Mais la propagande ministérielle ne s'arrête pas là, puisque le Figaro a encore frappé avec un sondage dont Jean-François Kahn s'est indigné à juste titre. En effet, le journal lié à l'UMP titrait il y a peu : "Cachan : la méthode Sarkozy approuvée". Tout l'article aux conclusions douteuses reposait sur un sondage aux questions formulées d'une manière partisane, jugez plutôt :

"Le 17 août dernier à Cachan dans la région parisienne, la police a expulsé, en raison de condition d'insécurité et d'insalubrité, plusieurs centaines de personnes qui occupaient illégalement depuis trois ans un bâtiment universitaire. Vous personnellement, approuvez vous cette action ?"

Vous ne voyez pas en quoi cette question est formulée partialement ? Attendez, je vais vous aider en la formulant façon kolkhoze.com :

"Le 17 août dernier à Cachan dans la région parisienne, les services du ministère de l'intérieur ont expulsé, en raison d'un besoin médiatique de Nicolas Sarkozy, plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants, qui depuis trois ans réclamaient un logement et des papiers, et occupaient un bâtiment insalubre abandonné par l'état. Vous personnellement, approuvez vous cette action ?"

Croyez vous que les résultats à ces deux questions auraient été les mêmes ?

A force de vouloir flirter avec la flamme de l'extrême droite, Monsieur le ministre, on finit par se brûler brunir la chemise.

Notes

[1] Il y a 10 ans, le 23 août 1996, les forces de l'ordre ouvraient à coups de hache l'église Saint-Bernard où s'étaient réfugiés 300 sans-papiers, sous les ordres de Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur de l'époque, et aujourd'hui président le l'Assemblée Nationale et friand d'images de propagande à base de tas de papiers...

[2] On estime en France le nombre de sans papiers entre 200 000 et 400 000

[3] 700 000 régularisations en Espagne en 2005

[4] 700 000 régularisations en Italie en 2003

[5] En Allemagne, on réfléchit à la régularisation de 150 000 à 200 000 sans papiers

[6] Un projet gouvernemental prévoit la régularisation de 500 000 sans papiers en Angleterre

[7] Régularisation de 10 000 à 20 000 sans papiers en Suède, ce qui représente la quasi totalité des clandestins du territoire

[8] Rappelons que Lionel Jospin avait promis l’abrogation des lois Pasqua/Debré et la régularisation des sans papiers dès 1997

[9] Nous ne savons pas, à cette heure, si Johnny et Doc Gyneco soutiendront la cause...

[10] Les anti-foot oseront-ils dire qu'il s'agit d'une double peine ?

[11] Rappelons pour ceux qui ne le sauraient pas que l'expluslon de Cachan serait une opération de communication du ministère, en vue sans doute de draguer l'électorat de Le Pen...