Benjamin Deceuninck, ils n'auront pas ton acide désoxyribonucléique !
Par Droop le samedi 26 août 2006, 15:14 - Billets d'humeur - Lien permanent
«Evidemment, le débat est politique, et je ne suis qu'un pauvre magistrat. J'ai lu comme vous George Orwell, "Big brother is watching you", mais ici il s'agit de la nécessité d'appliquer une loi. Je veux bien imaginer que vous n'êtes pas un criminel, mais je ne peux pas opérer un distinguo entre le criminel avéré et le délinquant politique. Pourquoi ? Parce que vous avez aussi l'homme ordinaire, qui parfois dérape.» Elle a requis 500 euros d'amende, ne voulant pas «transformer (Benjamin) en martyr de la cause paysanne ou libertaire».
C'est ainsi que la procureure a sermoné Benjamin Deceuninck, un militant anti-OGM de 26 ans qui était jugé vendredi à Alès pour ne pas s'être soumis au prélèvement de son empreinte génétique par les gendarmes.
Je passerai sur le débat actuel anti-OGM et sur le débat également de la désobéissance civique face à ce danger, là n'est pas mon propos du jour. Pourtant, comme le souligne fort justement Gérard Dupuy de Libération, "ce n'est sans doute pas un hasard si le militant jugé à Alès pour s'être refusé à un tel prélèvement combat aussi les OGM. Dans les deux cas, le problème n'est pas celui des dangers intrinsèques de la génétique moléculaire mais l'utilisation de celle-ci dans des stratégies sociales appuyées sur des arguments tronqués."
Je me pose de plus en plus de questions. Honnêtement, sommes-nous encore dans une démocratie ? Le glissement lent et "pernicieux" vers une dicature s'opère chaque jour un peu plus sans que personne (à part les gauchistes et écolos de service) ne réagisse. Nous sommes fichés. Partout dans le monde. Aux Etats-Unis, on essaye d'enregistrer l'ensemble des conversations téléphoniques du pays dans ce qui serait la plus grande base de données au monde. Mais, chez nous aussi, la constitution d'un fichier génétique est recommandée par une résolution du Conseil de l'Union européenne de 1997. En Angleterre, ce sont maintenant 5% de la population qui sont fichés génétiquement, dont des personnes qui n'ont jamais été condamnées. En Allemagne, les textes autorisent aussi l'organisation de tests génétiques dans une fraction de la population.
Et la France bascule : nous sommes passés du fichage des pédophiles, puis de l'ensemble des délinquants sexuels, au fichage des coupables d'acte de barbarie et de terrorisme, puis enfin de tous les délits, notamment le redoutable «outrage à agent», avant que finalement, avec le fascisme de Perben II, on autorise le prélèvement autoritaire sur les détenus. Dans 10 ans, je pense que chaque naissance sera accompagnée d'un prélèvement génétique, grâce aux lois Sarkozy III.
Pourquoi les droites au pouvoir du monde entier basculent toutes vers l'extrèmisme ? Car fondamentalement, la principale différence entre un homme de gauche et de droite se situe là aujourd'hui : là où l'homme de gauche préfère voir des coupables non arrètés que des innocents en prison par erreur, l'homme de droite, lui, préfère que tous les suspects soient emprisonnés, au risque d'erreurs judiciaires et de restriction des libertés nécessaires, selon lui, à la paix civile.
Alors c'est bien de critiquer Guantanamo chez le voisin en oubliant chez nous les lois anti-terroristes et la "justice" d'exception des tribunaux anti-terroristes.
Alors c'est bien de réclamer d'avantage de policiers au nom de la sacro-sainte sécurité publique, en oubliant de dénoncer le racisme et les provocations et les bavures de plus en plus nombreuses de notre Police. (déjà dénoncées en son temps par mathieu kassovitz dans La Haine, et que l'on a hélas vu empirer lors des dernières "émeutes" dans nos banlieues.)
Alors c'est bien, madame la procureure, de dire que l'homme ordinaire parfois dérape... On le sait, vous aimeriez nous faire croire que derrière chaque Homme se cache un criminel en puissance. Oublions donc de Dreyfus à Outreau en passant par Omar Radad... On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, mesdames et messieurs les procureurs ?
Benjamin, ils n'auront pas ton acide désoxyribonucléique !
France de merde !
Commentaires
Et bien je pense qu'au final, tu viens de découvrir qu'effectivement, la démocratie est une dictature, de la masse, donc des idiots. Et ce que nous quittons peu à peu, c'est la République (ou du moins, en partie), qui était là pour contre-balancer, mais si celle-ci est théorique, la démocratie est pratique et l'emporte. Reprenons : le gauchiste vise au bien de la communauté, du groupe, et par extension, de l'humanité ; l'individu bénéficie des retombées sociales favorables et cela participe à son bonheur. L'idéologie de droite est basée sur l'égoïsme primaire : l'individu est au centre, la société n'est qu'un moyen, un mal nécessaire, dont on peut tirer tout ce que l'on peut des autres individus, considérés comme hostiles par défaut : ne serait-ce que par le système économique basé sur la concurrence, soit la création implicite d'un gagnant et d'un perdant, d'un riche et d'un pauvre, d'un dirigeant et d'un exclus, d'un puissant et d'un faible, à diverses échelles relatives, créant au final une pyramide sociale totalement similaire à celle qui régit le monde depuis l'homme des cavernes (et semblable quelque part à l'organisation de l'animal mal dégrossi moyen).
Il se trouve que l'homme ne peut être intelligent que par l'éducation ; cependant, il est éduqué par une masse de crétin, qui duplique ses pensées biaisées flattant les passions (la richesse et la possession en sont les premières manifestations) d'une génération sur l'autre, rendant la proportion de gens intelligent très restreinte, et assez stable au fil du temps (malheureusement), et surtout : très minoritaire. De là à donner le pouvoir "à tous", ie à la majorité, reviens à le donner à des imbéciles. Cela même qui considèrent autrui comme suspect potentiel des pires atrocités, veillent à leur confort personnel, en réduisant ceux des autres. Ces mêmes autres qui pensent évidemment le sempiternel "je n'ai rien à me reprocher", et "ça n'arrive qu'aux autres". Évidemment.
Nous allons donc droit dans le mur. La lettre 14 des "lettres persanes" de Montesquieu est sur ce point peut-être encore plus pessimiste : les Troglodytes, qui ont fini par se débarrasser du pouvoir corrompu (et au passage d'une grande partie de la population vicieuse) vit dans la vertu et l'harmonie, jusqu'à ce qu'ils décident de nommer un Roi. La lamentation du vieil homme désigné est extrêmement éloquente en ce point : être vertueux est un exercice difficile, et se priver de sa liberté pour se complaire dans l'imbécilité est bien plus aisé, et même, un penchant naturel de l'homme qui finira toujours par y revenir.
Caru fratellu,
Je crois que le flicage n'est pas l'apanage de la droite, la gauche a depuis longtemps démontré ici et ailleurs qu'elle ne vaut pas mieux sur ce plan.
Je discutais récemment avec un policier d'une trentaine d'années, et je peux t'assurer que je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi désabusé sur ce qui se passe dans ce pays, notemment pour ce qui est du fonctionnement de la "justice" (sic). Il ajoutait peu de temps après, devant une amie, qu'elle et moi avions une vision de l'honneur qui n'existe plus aujourd'hui et qui n'a en tous cas plus court en justice.
Oui, je crois qu'il est vraiment temps que je m'en retourne chez nous. J'y crêverai peut-être de faim, mais au moins je serai parmi les miens, dans mon pays.
A prestu, et content de te lire à nouveau.
"elle et moi avions une vision de l'honneur qui n'existe plus aujourd'hui et qui n'a en tous cas plus court en justice"
Elle n'a absolument jamais existé. Il existe juste un phénomène chimique dans le cerveau qui embellit le passé, c'est tout ; la principale manifestation est la nostalgie, et le "c'était mieux avant". Avant quand ? Aucune évolution, les moyens changent, simplement. Jusqu'à ce que ça craque (d'un côté ou de l'autre). Mais il est certain que de tout temps, la justice n'a jamais été vertueuse (la notion d'honneur est trop vague et dangereuse, au passage).
Message très intéressant. Mais je me permets de faire quelques remarques. Tu écris "Là où l'homme de gauche préfère voir des coupables non arrêtés... " je ne suis pas d'accord. Le mot "homme de gauche" me choque. Pourquoi? Prenons un homme de gauche, par exemple, au hasard, Staline... Pour ce qui était de mettre des innocents en prison, il avait une technique exceptionnelle. Tu devrais écrire, même si tu te sens de gauche, "le démocrate scrupuleux". Des démocrates, il y en a à gauche comme à droite. Et cela m'amène à ma deuxième remarque. Dans ce message, tu déplores que les droites du monde entier basculent vers l'extrémisme. Je suppose que tu penses aux états européens et américains, je vois ce qque tu veux dire et je partage ton point de vue tout en le dépassant: le plus grand état totalitaire du monde pour l'instant reste un état communiste, la Chine. L'extrémisme n'est ni de droite ni de gauche en fait, même si les évènements récents et les médias nous mettent sous les nez des pratiques antidémocratiques menées par des états gouvernés par les partis de droite. En fait, ce problème est très ancien : toutes les démocraties finissent en dictatures, et, pire que cela, les dictateurs ne sont pas toutes de mauvaises personnes, ou plutôt, ils deviennent les seules réponses politiques possibles. dans toutes les démocraties, il y a toujours eu des partis "populaires" et des partis "aristocrates". Les aristocrates veulent le pouvoir parce qu'ils sont les plus forts et veulent le rester. Parfois, un homme de valeur apparaît en leur sein et garde le pouvoir...quelque temps. Les populaires veulent le pouvoir parce que de tout temps les plus pauvres n'ont pas aimés être menés par les riches. Parfois, un homme de valeur apparait parmi eux aussi mais il ne dure pas longtemps. Mais ces deux partis se livrent une guerre acharnée pour le pouvoir tandis que le peuple se lasse et regarde ailleurs. Et tout d'un coup l'un des partis gagne, un chef arrive au pouvoir et alors tout d'un coup, alors qu'il est trop tard, quelques uns se réveillent et disent : "La démocratie n'est plus!" Mais il est trop tard. Les gens s'en foutent, et il n'est plus temps de se battre, il y d'autres urgences... En racontant cela je pense à la prise du pouvoir par Auguste. ce n'est pas parce que c'est ancien que cela n'a rien à voir. Et quelles étaient les urgences qui ont empêchés les Romains de retourner à la démocratie? naturellement, la lacheté humaine mais aussi la guerre interminable que Rome menait contre ses ennemis. Cette guerre a justifié qu'on laisse le pouvoir aux généraux, puisque Rome était menacée. Ainsi, on peut dire qu'aujourd'hui le terrorisme joue un peu le même rôle. La menace terroriste permet de serrer la vis. Contre tout cela, le combat est à mon avis essentiel, à gauche comme à droite.
D'un autre côté, Staline à gauche, c'est assez moyen, il n'a pas fait assassiner Trotsky pour rien. Idem pour Mussolini (il a commencé au parti socialiste). Et le parti Nazi est social, à la base (NSDAP pour Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Il ne faut pas s'arrêter aux noms dans ces cas-là, vraiment... C'est étrange que les deux derniers aient été rangés à droite direct, tandis que notre premier ami moustachu pas humaniste pour un sou est rangé à l'extrême gauche. Au final, il n'est pas plus communiste que les autres n'étaient socialistes. Idem pour la Chine, dans le genre communiste, on a vu mieux ; Cuba serait un exemple plus approprié (sauf que là, on serait embêté pour condamner Castro, qui malgré un très lourd embargo a su relever son pays, quoi qu'on en dise, il n'y qu'à regarder ses voisins Haïtiens et Dominicains, qui réussissent l'exploit d'être encore plus pauvres que les Éthiopiens, pour s'en convaincre).
Citer Napoléon ou Robespierre, en un mot le Jacobisme, a en revanche plus de sens. La quête de la vertu a mené l'ami Maxilien a bien de sombres périodes, que je serais pourtant le dernier à condamner. Bref, si je ne suis pas les exemples, je trouve les arguments avancés intéressants. Car il ne faudrait cependant pas oublier une chose : si les guerres de Rome comme de Vendée coalisée aux monarchies européennes étaient bel et bien des menaces imminentes envers les États-nations visés, le terrorisme est composé de quatre pecnos dans leur désert, qui ont été créés par des politiques agressives et anti-humanistes, et parfois mieux, directement entraînés par la CIA. De temps en temps, on a une dizaine de mort, soit ce que fait la cigarette en quelques heures, et on justifie ainsi les pires abominations à l'extérieur du pays, et les restrictions les plus dangereuses envers la liberté à l'intérieur : ce sont de fausses excuses. Et en cela, on se rapproche des guerres inventées de toute pièce dans "1984" d'Orwell, le schéma est tout à fait similaire. On s'attaque à la base de la pyramide des besoins (de Maslow), puisqu'à présent boire, manger et se reproduire sont assurés, il reste la question bassement psychologique de la sécurité à exploiter pour soumettre le peuple.
Et la démocratie n'y changera rien, bien au contraire. Athènes n'a pas eu besoin d'être en guerre pour condamner Socrate.
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